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L’Education nationale invente le Trois en Un !

Pour Le prix d’un service réglementaire de 18 heures, L’Education nationale invente le trois en un...

Cinq mois après le communiqué de presse annonçant la transformation du Lycée Professionnel, les échanges avec les instances de l’Éducation Nationale, auxquels le SNALC participe activement, montrent que la mise en œuvre concrète des mesures phares de cette réforme ne permettra pas, et loin de là, de transformer les lycées professionnels en établissements d’excellence. Mais alors tout ça pour quoi ?

 

Les mesures phares : des effets de COM ...

 

Passons rapidement sur les campus de métiers qui, en septembre 2019, date de la mise en œuvre de la réforme, ne seront pour la plupart même pas sortis de la tête des architectes… et de toute façon ne seront jamais en nombre suffisant pour accueillir l’ensemble des élèves et des autres « apprenants » de la voie pro. Le ministère le reconnaît lui-même, car, passé l’effet d’annonce des campus, il évoque la mise en réseau géographique ou thématique des établissements.
« Réseau », voilà encore un mot magique mis à toutes les sauces. Les êtres humains ne sont pas des données numériques, ils se déplacent beaucoup moins facilement et ont les travers de leur condition humaine : ils ont faim, soif, besoin de dormir voire besoin de reconnaissance, d’estime de soi…surtout quand ils sont adolescents, si nous en croyons tous ces intervenants qui se bousculent en lycée pro pour nous apporter leurs bonnes paroles.

 

... à la réalité

 

Mais ne soyons pas trop durs avec nos instances dirigeantes, elles reviennent vite à la raison. Dès début octobre 2018, lors des CPC des branches professionnelles qui inaugurent, à la rentrée 2019, les trois « secondes familles de métiers », la DGESCO déclare « Il ne s’agit pas de modifier l’offre de formation. La mobilité des jeunes est notoirement très faible. La démarche s’appuie donc essentiellement sur l’offre du lycée dans lequel elle est mise en œuvre. Ce qui n’exclut pas les prises de position politique en régions, les choix des rectorats pour redistribuer les spécialités de formations dans les lycées. ». Beaucoup de grandiloquence, pour au final, limiter le choix des élèves et de leur famille à l’offre de formation aux besoins des territoires régionaux. Alors pourquoi tout changer si rien ne change, si ce n’est pour permettre un remplissage optimal de ces fameuses classes de secondes « familles de métiers ».

 

Des innovations pédagogiques chimériques

 

L’autre domaine, où l’emphase est de mise, est celui de l’innovation pédagogique. La création d’un volume horaire dédié à la réalisation d’un « Chef d’œuvre » associée au concept d’entreprenariat laisse songeur. L’entreprenariat pour des jeunes arrivés très nombreux en seconde sans maîtriser les fondamentaux (savoir lire écrire compter) du fait précisément de trente ans d’innovations pédagogiques, et qui ne bénéficient que d’une heure d’éco-gestion par semaine (un peu juste pour cerner les subtilités du choix de la structure juridique d’une entreprise) relève de la galéjade. Et ce ne sont pas des heures d’AP qui réussiront à combler 9 ans de lacunes et de pseudo bienveillance. D’ailleurs, le Ministre reconnaît que le niveau a baissé et que rien ne vaut les bonnes vieilles méthodes d’apprentissage fondées sur un enseignement explicite et la répétition d’exercices, puisque c’est ce qu’il prône pour le primaire. Monsieur le Ministre, vous voulez l’excellence, nous aussi, alors rétablissez l’enseignement disciplinaire et le bac pro en quatre ans. De plus, il y a fort à parier qu’en faisant cela, vous améliorerez l’insertion sur le marché du travail et relancerez réellement l’apprentissage pour nos élèves. En effet, sur le terrain, les employeurs que nous côtoyons s’agacent de leur manque de maturité et s’étonnent qu’ils ne soient pas en mesure d’envoyer un simple mail sans faute ni de diviser par 10 sans calculette.

Les aventures de Pauline et de Noah

 

Le communiqué de presse « Transformer le Lycée Professionnel » nous présente les parcours de Pauline et de Noah, jeunes lycéens professionnels. Après une seconde « famille de métiers » commune, Pauline poursuit, en première, par la voie de l’apprentissage. Elle a alors à peine 16 ans, et ira même jusqu’au BTS. Quel joli conte ! En effet, si nous nous référons aux déclarations de M. Hélard, Inspecteur Général, lors de la réunion de la Formation Interprofessionnelle du 09/07/2018 « La signature d'un premier contrat d'apprentissage en niveau V est supérieur à 17 ans, et l'âge moyen de signature d'un premier contrat d'apprentissage en baccalauréat professionnel est supérieur à 18 ans ». De plus, ce n’est pas l’entrée en vigueur de la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » qui généralise la possibilité de signer un contrat d’apprentissage jusqu’à 30 ans et prévoit de faciliter les ruptures anticipées qui va encourager les employeurs à conclure un contrat d’apprentissage avec des mineurs.


Où est donc le changement ? Y en a-t-il vraiment un ? Oui, certainement. Si l’insertion des jeunes mineurs ou à peine majeurs n’a aucune raison d’évoluer, la charge de travail des professeurs de lycée professionnel, elle, va vraiment augmenter !

 

La véritable innovation : le PLP 3 en 1

 

Comment faut-il exactement comprendre le triptyque : - « Mixité des parcours, sécurisation des parcours et mixité des publics » -

La mixité des parcours permet un changement de statut en cours de cycle de formation (ex : un an sous statut scolaire, deux ans en apprentissage (1+2)).


La sécurisation des parcours permet, en cas de rupture du contrat d’apprentissage, de poursuivre sous statut scolaire son cycle de formation, sans attendre la prochaine rentrée.


De ces deux principes découle le troisième :


La mixité des publics permet le regroupement de statuts différents (scolaires + apprentis) dans une même division, dans le cadre d’un cycle de formation certifié par un diplôme professionnel. La mixité des publics peut être élargie aux stagiaires de la formation continue.


A ceux qui oseraient prétendre que cette organisation qui mélange des publics différents, avec des rythmes différents, et des entrées « d’apprenants » à tout moment de l’année est ingérable pédagogiquement, l’Inspection Générale répond « ingénierie de la formation » et « individualisation de la formation ».

 

A titre gratuit

 

Cerise sur le gâteau pour notre employeur : grâce à une interprétation de notre statut de PLP, la mixité est mise en place sans un euro supplémentaire ou presque. En effet, notre statut prévoit -Décret n° 2014-940 du 20 août 2014 art 4 - :


« Les enseignants qui ne peuvent assurer la totalité de leur service hebdomadaire dans l'établissement dans lequel ils sont affectés peuvent être appelés, par le recteur d'académie, à le compléter dans un autre établissement. Pour les professeurs de lycée professionnel, ce complément de service ne peut être assuré que dans un établissement scolaire public dispensant un enseignement professionnel. Si ce complément de service doit être assuré dans des types de formation autres que la formation initiale, l'accord de l'intéressé est nécessaire. »


L’apprentissage faisant partie de la formation initiale, aucune rémunération supplémentaire donc en cas de mixité des publics élèves + apprentis (sauf à la marge : quelques heures réalisées face à apprentis seuls, heures de suivi des apprentis en entreprise…). Pour la formation en Greta, les enseignants doivent être volontaires. Nous avons des remontées de terrains, où la mixité des publics concerne des élèves sous statut scolaire et des stagiaires de la formation continue. Dans ce cas, chaque Greta fixe son tarif de 0 € à un pourcentage de l’indemnité horaire prévue réglementairement, en arguant que les PLP sont déjà rémunérés pour faire cours.


Parallèlement, les CFA publics et les Greta en concurrence, sur le marché de la formation, avec les CFA privés et les organismes de formation, ont un très fort avantage, puisque le coût des formateurs est égal à zéro ou presque. Mais si le coût des formateurs est proche de zéro, ce n’est pas le cas pour tous les personnels partie prenante. En effet, pour nos chefs d’établissement, l’approche est tout autre. L’accueil d’apprentis et de stagiaires de la formation continue dans les lycées représente un tel surcroît de travail qu’il n’est pas question de leur supprimer leurs indemnités, bien au contraire…

 

Des CFA et des GRETA à tout va

 

Voilà pourquoi le ministre annonce la création de CFA ou de Greta dans tous les lycées professionnels publics. La création de section de techniciens supérieurs dans les LP n’est pas étrangère non plus à cette volonté de former pour pas cher. Et pour finir, n’oublions pas la prise en compte dans la DGH et dans les effectifs des apprentis.


Tout est mis en place pour la réelle innovation : le PLP Trois en Un « Formateur» de lycéens, d’apprentis et d’adultes en formation continue, sans rémunération supplémentaire et avec des conditions de travail très dégradées (amplitudes hebdomadaires variables, péréquation avec les PFMP des élèves sous statut scolaire, augmentation des effectifs).

 

Et la qualité des enseignements dans tout ça?

 

Les jeunes, issus majoritairement des classes populaires, seront comme toujours les victimes d’une réforme d’une voie de formation qui promet l’insertion professionnelle et la poursuite d’études, et qui, en réalité, ne vise que deux objectifs, l’un purement comptable et l’autre de communication politique, tout en refusant de tirer les leçons de l’échec du bac pro en trois ans. Pour finir, le ministère a-t-il réellement pris la mesure des risques potentiels que représente l’introduction d’adultes au milieu d’adolescents? Si Jean-Michel, 29 ans, est convoqué chez le CPE, sera-t-il impressionné par son heure de colle et l’appel à ses parents ? Les parents de Pauline et de Noah savent-ils que leur enfant pourra bénéficier de la maturité et de l’expérience de camarades de classe de 30 ans ou plus ?


LE SNALC EST VENT DEBOUT CONTRE LA MIXITÉ DES PUBLICS SANS COMPENSATION POUR LES PLP ET CONTINUE SON COMBAT POUR UN ENSEIGNEMENT DE QUALITÉ JUSTEMENT RÉMUNÉRÉ.