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Le petit chat est mort

...ou la réforme de la grammaire vue par les IPR de l’académie de Versailles

Après avoir envoyé à chaque enseignant de lettres de l’académie de Versailles l’article intitulé :
« Quelles simplifications terminologiques et pourquoi ? », deux IPR et deux formateurs sont venus apporter la bonne nouvelle en formation.

http://www.lettres.ac-versailles.fr/IMG/pdf/etude_de_la_langue-simplifications-terminologiques.pdf

Rappelons qu’à partir de maintenant la phrase canonique française devra se réduire à ceci :
GN sujet + GV prédicat (+ parfois des compléments facultatifs) ou thème + prédicat. (Dans 90% des cas le sujet est GN d’où cette généralisation). C’est-à-dire une structure binaire : ce dont on parle et ce qu’on en dit. Oubliez donc COD, COI, CC, attribut et autres futilités !

Réforme de la grammaire : simplifions au maximum !

Tout ce que vous lirez ici se passe de commentaires et n’est que fidèle retranscription.

Il nous a d’abord été rappelé que « le but de cette réforme n’était pas de former des grammairiens ». D’ailleurs avec la réduction des horaires disciplinaires en français, les enseignants n’ont plus le temps d’enseigner la grammaire, en tout cas la théorie. Les IPR sont allés jusqu’à reconnaître cette réduction d'« inadmissible ». Il faut donc exclusivement se tourner vers la pratique et faire manipuler les élèves.
La grammaire n’est plus un objet en soi mais se doit d’être au service de l’écrit, du dire et du lire.

Les IPR nous ont ensuite expliqué que les nouveaux manuels n’appliquaient pas la réforme de la grammaire et que les utiliser était contreproductif. A la rigueur les enseignants peuvent les utiliser pour se décharger d’avoir à fournir une leçon.

Le mot « leçon » étant d’ailleurs à bannir. Il faut donc à présent faire un rapide « point » de grammaire à la fin d’une séance de lecture, d’écriture ou d’oral en faisant recopier aux élèves (si vraiment l’enseignant tient à ce qu’il reste une trace) la leçon du manuel à la maison. L’idéal étant que la leçon soit «produite par l’élève ».

Il nous a ensuite été dit qu’il ne servait à rien de faire des exercices pendant des heures car l’enseignant était un « pédagogue et non un répétiteur ». Ainsi les batteries d’exercices sont également à proscrire. « Et tant pis si le cahier n’est pas tenu proprement avec une belle leçon soulignée en rouge, des exemples en vert et bleu… certes les parents et les enseignants étaient contents mais les élèves n’y comprenaient rien et n’en retenaient rien. » Il faut privilégier l’oral, mettre les élèves en groupes, les faire parler, s’écouter, s’enregistrer grâce aux téléphones portables par exemple et se corriger entre pairs. La norme viendra d’eux-mêmes.

Plutôt que d’apprendre à nommer, étiqueter, les élèves doivent apprendre à manipuler car le français est pour la plupart une langue vivante qui demande une « conceptualisation linguistique » impossible à tous les élèves notamment ceux venant d’ « horizons divers ».
En effet, cela a été dit et répété : « avec les crises migratoires, nous en accueillerons de plus en plus. » La France a choisi de « scolariser tous les enfants sur son territoire et c’est à son honneur. »

D’autre part la conceptualisation est stérile. Un des IPR nous a expliqué que la psychologie cognitive avait prouvé que l’abstraction se mettait en place à 15 ans dans le cerveau des élèves. La grammaire et ses étiquettes inutiles n’étaient alors qu’un filtre opacifiant.

Certes l’orthographe est devenue un marqueur social et le niveau a quelque peu baissé mais il ne faut pas dire qu’il y a « une grammaire de riches et une grammaire de pauvres. » Demain tous les élèves auront acquis le minimum du socle commun : GN sujet + GV prédicat et il n’y aura plus de différences entre eux.

C’est pour cela que le DNB depuis quelques années n’interroge plus trop sur la langue. « Le DNB n’était qu’un diplôme que tout le monde obtenait ou presque. Ce n’est pas en soi une finalité. »

Les IPR ont ensuite rappelé que l’enseignement de la grammaire était spécifique à la France et que dans les autres pays cela ne s’enseignait plus depuis longtemps. « D’ailleurs la langue est mal enseignée en France. » Il faudrait assister au cours de ses collègues et s’observer. « Osez vous critiquer ! »

Un des IPR nous a conseillé de travailler le vocabulaire en réseau. Il a donné comme exemple de néologisme le mot « kiffer » : « Imaginez tout le travail que vous pouvez faire sur ce mot ! ».

Un peu plus tard, ce même IPR a ajouté : « Faites réfléchir les élèves sur le thème de la phrase mais attention tous les exemples ne sont pas bons à travailler : « le petit chat est mort » pourrait en traumatiser plus d’un.

On nous a ensuite expliqué les bienfaits de la pédagogie spiralaire. Le travail en spirale permet de revenir en arrière et d’accepter de ce fait « que les programmes ne soient pas faits ». Il ne faut pas penser que « c’est baisser les bras » ou « en faire moins ». C’est au contraire une chance car « l’enseignant ne culpabilise plus. »

Quant à la question des effectifs par classe, un des IPR a fini par reconnaître après sondage dans la salle, que la moyenne n’était pas de 23 élèves par classe mais de 30 ou 28 en REP : « Les classes sont certes très chargées mais c’est à cause du baby-boom et puis c’est un choix français. »

Enfin les IPR nous ont rassurés : « Faites du mieux possible et c’est déjà très bien ».
Ils nous ont cependant prévenus : « Certes cette année est transitoire et nous expérimentons mais en bons petits soldats, il vous faut suivre les consignes institutionnelles comme écrire au tableau avec la nouvelle orthographe : « apparait », «Épique » etc… et travailler en équipe obligatoirement sinon l’institution ne vous considérera pas comme de bons enseignants. »

Un collègue a fait une remarque judicieuse en sortant. La méthode globale utilisée en lecture et qui a fait des dégâts innombrables sur les petits lecteurs français en en rendant plus d’un dyslexique voire alphabète n’a-t-elle pas trouvé ici son pendant grammatical ?


Vaillant Pinson